Ces derniers jours, j'écoute presqu'exclusivement la musique de Johann Johannsson, en particulier son premier chef-d'oeuvre : IBM 1401, A User's Manual (2006), pour soixante cordes et bande magnétique, interprété par l'orchestre philharmonique de Prague, dir. Mario Klemens... accompagné du dernier chant de l'IBM 1401, premier ordinateur "familial", enregistré en 1971 par le père de Johannsson.

Johannsson appartient à une mouvance actuelle de retour à la tonalité dans sa conception la plus basique et primitive. On pourrait appeler cette tendance DO MAJEUR, en référence à Schönberg qui écrivait : "Il reste encore beaucoup de chefs-d'oeuvre à écrire en do majeur." tant les acteurs de cette tendance ou conviction (qui est la mienne) semblent rechercher les trésors qui restent à écrire sur quelques notes et une poignée d'accords simples.
Bien sûr, cette tentative ne date pas d'hier : elle fut une salutaire réaction face au sérialisme dominant dans les années soixante, et de grands compositeurs contemporains ont tenté l'expérience - souvent avec bonheur - : Philip Glass, Michael Nyman, Wim Mertens pour ne citer que ceux-là (renouant ainsi avec les sources de la musique : émouvoir et élever par le simple ressort de sa propre émotion) mais il me semble que d'un point de vue spirituel, l'impulsion générée par les islandais Johann Johannsson et Sigur Ros, va plus loin.
Elle rejoint davantage certaines préoccupations du Arvo Pärt de Spiegel im Spiegel, sans bénéficier de la même intensité dans l'interprétation. L'enjeu n'est peut-être pas entièrement saisi. Mais IBM 1401, A User's Manual (2006) reste une oeuvre majeure de l'année écoulée, sans parler du formidable impact de la chorégraphie : la bouleversante Erna Omarsdottir unit le plus lointain passé au plus lointain futur, la naissance de l'homme et celle de la machine, la conscience humaine et l'intelligence artificielle, l'organique et le mécanique, la déchirure existentielle entre le conditionnement et l'acte libérateur. Je crois ne jamais avoir observé une telle intensité, pas même chez Guillem.
A voir absolument : un extrait vidéo du premier mouvement.


Quant à la musique de Johannsson, elle tient debout toute seule. Elle évoque les forêts de lumière des nuits de l'an 300.000, les grandes cités flottantes du plus lointain futur, le chant infiniment mélancolique du dernier homme... ou du premier cyborg.

Johannsson est aussi membre de l'Apparat Organ Quartet, qui fait revivre l'esprit du Yellow Magic Orchestra ou les très riches heures de Kraftwerk et Stereolab.
Voici le quartet (évidemment, ils ont trouvé le moyen d'être cinq !) en playmobils customisés. Une esthétique que ne renieraient ni les Daft Punk ni David Schmitt !
Johann Johannsson en concert au Nouveau Casino, Paris, le 17 février
Thanks : Ananda !